Violette Boutrolle, avec son projet "Le Monde en Vélo", a remporté à 22 ans le Coup de coeur du Jury de la première Bourse de l'Exploration Paul-Emile Victor. Elle revient pour nous sur son aventure !
Rappelle-nous : en quoi consistait ton projet ?
Mon projet consistait à faire un tour d’Europe en vélo, et de mener une enquête dessinée. Dessiner les paysages, les gens et écrire sur ces rencontres. L’idée était aussi d’utiliser le dessin pour créer du lien et faire parler les gens sur le climat. Le vélo est un moyen de transport écologique et mon quotidien devait l'être également. Au retour, je souhaitais écrire un livre dessiné sur le voyage.
J'ai imaginé ce projet d’après un roman de Nicolas Bouvier et Thierry Vernet, écrit et dessiné dans les années 1950. Les deux hommes, dans une toute petite coccinelle qu’ils bricolent régulièrement, traversent l’Europe et les Balkans jusqu’en Inde. J’ai voulu calquer ma route sur la leur, ne gardant que la partie européenne.
Comment as-tu préparé ce voyage ?
Comme eux, j'ai imaginé un projet léger, bricolable et petit budget : des vêtements empilables pour les jours éventuels de neige et légers pour la chaleur étouffante des Balkans en été. De quoi cuisiner, de quoi dessiner avec des techniques légères : gouache, aquarelle, feutres, etc. J’ai aussi bricolé mon vélo, en ajoutant une plateforme devant pour pouvoir emmener des grands formats de papiers. J’ai enfin fabriqué mon premier carnet avec le papier qui me plaisait.
Comment ton projet s'est-il déroulé ?
Je savais en partant que rien ne se déroulerait comme prévu, comme fantasmé dans ma tête !
Le deuxième nuit, sur la Côte d’Azur vers Toulon je me suis faite voler mon vélo (nommé Paulette). Le matin, j’ai trouvé sur internet un Peugeot (nommé Colette, pour monter les cols) qui m’a accompagnée jusqu’a Sarajevo.
Ma route s’est modifiée au gré des rencontres : après deux mois, je filais vers la Suisse, traversais l’Allemagne et l’Autriche en m’éloignant des Balkans. Au quatrième mois, je reprenais ma route vers les Balkans. L’enquête sur le climat n’a pas « pris » comme je l’imaginais. Les gens avaient beaucoup de choses passionnantes à raconter, mais pas forcément sur le climat, qui n’est malheureusement pas toujours le sujet prioritaire.
Il fallait toujours bricoler Colette : crevaisons, câbles de frein et autre bidouilles... À Sarajevo, je l’ai échangée contre un VTT, encore grâce à une rencontre. Sur la route, j’ai trouvé un minuscule chiot, qui m’a accompagnée sur les deux derniers mois de vélo et qui vit maintenant avec moi.
Qu'as-tu appris, durant cette épopée ?
J'ai découvert que j'étais pleine de ressources intérieures. Une bonne nuit de sommeil, et tout peut repartir comme au premier jour !
J’ai aimé vivre dehors aussi. J’ai adoré me perdre dans la nature, organiser une vie entière dans deux sacoches : je me suis découverte capable d’une vraie organisation !
J’ai appris un peu d’allemand, de serbo-croate... quelques mots qui m'ont permis de jolies rencontres. J’avais imaginé un voyage en solitaire. J’ai appris que je ne restais pas seule longtemps. Après deux jours dans ma bulle, je l’ouvre à d’autres !
Maintenant que je suis rentrée, je cherche à adapter mon quotidien à ces conclusions.
Que t'a apporté la Bourse de l'Exploration Paul-Emile Victor ?
La Bourse de l’Exploration m’a apporté un financement suffisant pour me lancer. La validation aussi d’une idée. Cela m’a donné envie de développer cette idée qui flottait dans ma tête, de la coucher sur papier, dans le dossier, et de me donner une date de départ.
Le voyage a commencé au moment où je le décrivais dans le dossier de candidature.
Paul-Emile Victor, pour toi c'est... ?
Paul-Emile Victor, pour moi c’est un explorateur, qui cette année a aidé trois exploratrices et une association pour la protection de l'océan et de ses habitants. Trois projets qui parlaient de nature, de la protéger et de la parcourir.
Et la suite ?
La suite pour mon projet, c’est organiser mes cinq carnets de croquis et de notes. Les relire, les redessiner, et voir comment ils peuvent être transformés en bouquin… Pour l’instant, j’ai fait une série de gouaches d’après mes carnets, vendues sur mon compte Instagram.
La suite pour moi, dans un premier temps, c’est organiser la vie hors du voyage, que le voyage ne soit jamais une fuite du quotidien qui pourrait peser. Aimer autant le quotidien que les moments de voyages, qui évidemment reviendront vite.
As-tu un message à faire passer, aux personnes qui rêvent de se lancer mais n'osent pas toujours franchir le cap ?
Comme disait Nicolas Bouvier, pour le voyage, tout ce qui compte c’est le départ.